La Pintade

Le 13 juillet, la Pintade cacabre, c’ est sa fête dans le calendrier républicain.

image
Illustration de ToulouseLautrec pour HISTOIRES NATURELLES
de Jules Renard (Éditions Henri Floury)

LA PINTADE

C’est la bossue de ma cour. Elle ne rêve que plaies à cause de sa bosse.Les poules ne lui disent rien : brusquement, elle se précipite et les harcèle.Puis elle baisse sa tête, penche le corps, et, de toute la vitesse de ses pattes maigres, elle court frapper, de son bec dur, juste au centre de la roue d’une dinde.Cette poseuse l’agaçait.Ainsi, la tête bleuie, ses barbillons à vif, cocardière, elle rage du matin au soir. Elle se bat sans motif, peut être parce qu’elle s’imagine toujours qu’on se moque de sa taille, de son crâne chauve et de sa queue basse.Et elle ne cesse de jeter un cri discordant qui perce l’air comme une pointe.Parfois elle quitte la cour et disparaît. Elle laisse aux volailles pacifiques un moment de répit. Mais elle revient plus turbulente et plus criarde. Et,frénétique, elle se vautre par terre.Qu’a-t-elle donc ?La sournoise fait une farce.Elle est allée pondre son oeuf à la campagne.Je peux le chercher si ça m’amuse.Elle se roule dans la poussière, comme une bossue.

JULES RENARD (Histoires naturelles)

Mis en musique par Ravel :